Communiqué – 25 novembre 2020, « À la Sainte-Catherine tout bois prend racine »
L’arrivée de la fibre numérique dans les campagnes de Maine-et-Loire peut s’avérer un atout pour le monde rural et nous souscrivons à ce déploiement. Celui-ci est hélas régulièrement réalisé en dégradant parfois fortement le bocage de nos territoires et fait reposer sur les agriculteurs toute la responsabilité en cas de dommages sur les lignes. Nos structures tirent la sonnette d’alarme et souhaitent que des solutions techniques et des bonnes pratiques soient mises en œuvre.
Entretien des lignes téléphoniques : des années de laisser-aller
Depuis plusieurs décennies, Orange/France Télécom ainsi que l’ensemble des collectivités du territoire, en particulier les communes, ont renoncé à l’application de l’article L51 du code des postes et des communications électroniques qui obligeait les agriculteurs à élaguer les abords du fil téléphonique en cuivre, l’usage voulant que la collectivité entretienne le côté route et l’agriculteur le côté champs. Sauf à penser qu’il y ait eu négligence pendant tout ce temps-là, force est de constater que les acteurs concernés ont favorisé l’implantation de haies sur les exploitations agricoles là où elles touchaient le moins l’activité agricole, à savoir aux abords des routes, Orange prenant même à sa charge les ruptures et dégâts causés par les arbres sur les lignes téléphoniques.
De nouvelles exigences qui manquent de concertation et de bases juridiques
Depuis quelques mois, la situation a brutalement changé. Afin de permettre un déploiement rapide de la fibre optique en Maine-et-Loire (avant 2022), la stratégie choisie consiste à poser les lignes en aérien, sur l’existant c’est-à-dire au-dessus des fils téléphoniques. Le syndicat mixte ouvert Anjou Numérique et la société Anjou Fibre, respectivement commanditaire et titulaire du marché, ont décidé, sans concertation préalable suffisante, et surtout dans la quasi-totalité des cas sans en informer les agriculteurs concernés en amont, que ces derniers avaient la responsabilité de la remise en conformité du réseau bocager, et de son entretien futur, afin d’éviter toute présence de végétaux à distance d’un mètre de la fibre optique. Les bases juridiques ne semblent en outre pas fondées au regard du code rural.
Quelles conséquences pour les agriculteurs ?
L’agriculteur qui voudra conserver ses haies aux gabarits qui leur permettent de jouer leur rôle écologique devra alors faire réaliser des travaux de taille spécifiques et ce, dans la durée, opérations coûteuses à l’échelle des exploitations agricoles. Il aura également sur sa tête une épée de Damoclès financière très importante en cas de rupture de la fibre lors de la taille de la haie ou lors d’une chute de branche, sans minimiser la responsabilité morale pour les paysans d’une coupure du réseau internet de tout un secteur le temps du remplacement de la ligne.
Quelles conséquences pour le bocage ?
Nous observons déjà dans de multiples endroits du département, ainsi que dans les départements voisins, des coupes claires d’importants linéaires de haies, où des coupes ramenant les haies « à hauteur de broyeur », qui ne leur permettent plus de jouer leurs rôles écologiques : captation de carbone, réservoir de biodiversité, préservation de la ressource en eau…
Des bonnes pratiques à mettre en œuvre et vite !
Devant cette situation, et avant que nous n’assistions à l’arrachage ou au « ratiboisage » d’importants linéaires de haies bocagères, il est important que le Département par l’intermédiaire d’Anjou Numérique revoie son modèle de déploiement en impliquant Orange :
- en prenant à leur charge la remise en conformité du réseau avec des techniques d’élagage permettant dans le temps la cohabitation entre la fibre et la haie ;
- en signant une convention qui alloue l’entretien et la taille des haies relatifs à la fibre aux collectivités ou à Anjou Fibre, et en exonérant les agriculteurs de toutes responsabilités en cas de rupture de la fibre ;
- en enterrant les lignes des fibres optiques si les deux points précédents ne peuvent être respectés. En Vendée, le choix d’enterrer un important linéaire en milieu rural a été acté par les collectivités. Cette vision de long terme est cohérente avec la fin progressive des réseaux cuivre annoncée par Orange.
Il en va du maintien et de la survie de notre réseau bocager, ce patrimoine collectif si primordial au regard des enjeux écologiques majeurs à relever au xxiᵉ siècle.